Page:Byron - Œuvres complètes, trad. Laroche, III.djvu/37

Cette page n’a pas encore été corrigée

brassait dans une adoration silencieuse les grands hommes d’autrefois, ces monarques qui, tout morts qu’ils sont, ont conservé leur sceptre, et du fond de leurs urnes gouvernent encore nos âmes. C’était une nuit comme celle-ci… Il est étrange que je me la rappelle en cet instant ; mais j’ai toujours éprouvé que c’est au moment où la pensée devrait le plus se recueillir qu’elle fait ses excursions les plus lointaines. (Entre l’abbé de Saint-Maurice.)

L’abbé. Mon bon seigneur, pardonne-moi cette seconde visite… Ne sois point offensé de l’importunité de mon humble zèle ; — que ce qu’il a de coupable retombe sur moi seul ! que ce qu’il peut avoir de salutaire dans ses effets descende sur ta tête ! — que ne puis-je dire ton cœur ! — Oh ! si, par mes paroles ou mes prières, je parvenais à toucher ce cœur, je ramènerais au bercail un noble esprit qui s’est égaré, mais qui n’est pas perdu sans retour !

Manf. Tu ne me connais pas… Mes jours sont comptés et mes actes enregistres. Retire-toi : ta présence ici pourrait te devenir fatale. — Sors !

L’abbé. Ton intention, sans doute, n’est pas de me menacer ?

Manf. Non, certes ; je t’avertis seulement qu’il va péril pour toi à rester ici, et je voudrais t’en préserver.

L’abbé. Que veux-tu dire ?

Manf. Regarde là… Que vois-tu ?

L’abbé. Rien.

Manf. Regarde attentivement, te dis-je. — Maintenant, dis-moi ce que tu vois !

L’abbé. Un objet qui devrait me faire trembler ; — mais je ne le crains pas. — Je vois sortir de terre un spectre sombre et terrible qui ressemble à une divinité infernale. Son visage est caché dans les plis d’un manteau, et des nuages sinistres forment son vêtement, il se tient debout entre nous deux, — mais je ne le crains pas.

Manf. Tu n’as aucune raison de le craindre : — il ne te fera pas de mai ; — mais sa vue peut frapper de paralysie ton corps vieux et débile. Je le le répète, — retire-toi.