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L’abbé. Cet homme aurait pu être une noble créature : il a toute l’énergie qui aurait pu produire un bel ensemble composé d’éléments généreux, s’ils avaient été sagement combinés. En leur état actuel, c’est un effroyable chaos, — un mélange confus de lumière et d’ombre, — d’esprit et de poussière, — de passions et de pensées pures livrées à une lutte désordonnée et sans frein, tantôt inactives, tantôt destructives. Il va périr, et pourtant je voudrais le sauver. Je vais faire une nouvelle tentative, car de telles âmes méritent bien d’être rachetées, et mon devoir est de tout oser dans un but vertueux. Je le suivrai. — Avec de la prudence, je réussirai. (il sort.)

SCÈNE II.

Un autre appartement.
MANFRED, HERMAN.

Herm. Seigneur, vous m’avez ordonné de venir vous trouver au coucher du soleil… Le voilà qui s’atfaisse derrière la montagne.

Manf. Eh bien ! je vais le contempler. (Manfred s’avance vers la fenêtre de l’appartement.) Astre glorieux, idole de la nature enfant, de la race vigoureuse du genre humain, pure encore de toute souillure, de ces géants nés des amours des anges avec un sexe plus beau qu’eux-mêmes, ce sexe qui fit descendre du ciel et descendre sans retour les anges égarés ! — astre glorieux, tu fus adoré avant que fût révélé le mystère de ta création ! Le premier, tu annonças la gloire du Tout-Puissant ; tu réjouis, au sommet de leurs montagnes, les cœurs des bergers chaldéens, qui se répandirent en prières devant toi ! Dieu matériel, tu es le représentant de l’Inconnu, qui t’a choisi pour son ombre ! Étoile souveraine, centre d’un grand nombre d’étoiles, tu rends notre terre habitable, tu ravives les teintes et les cœurs de tout ce qui vit dans le cercle de tes rayons ! Roi des saisons, monarque des climats et de tous ceux qui les habitent, car, de près ou de loin, nos pensées comme nos traits se colorent à tes feux, — tu te lèves, tu resplendis et tu te couches dans ta gloire ! Adieu ! je ne