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propres vassaux, — qui te regardent avec des yeux inquiets. — Ta vie est en péril.

Manf. Qu’on la prenne !

L’abbé. Je viens pour sauver, et non pour détruire. — Il ne m’appartient pas de chercher à sonder les secrets de ton Âme ; mais si ces choses sont vraies, il est temps encore de recourir à la pénitence et au pardon… Réconcilie-toi avec la vraie Église, et par l’Église avec le ciel.

Manf. Je t’entends. Voici ma réponse : quoi que je sois ou puisse avoir été, c’est un secret qui reste entre le ciel et moi ; —je ne choisirai pas un homme pour mon médiateur. Ai-je transgressé vos ordonnances ? Qu’on le prouve, et qu’on me punisse !

L’abbé. Mon fils, ce n’est pas de punition que j’ai parlé, mais de pénitence et de pardon : — c’est à toi de choisir. — Pour ce qui est de pardonner, nos institutions et notre foi me mettent à même d’aplanir au pécheur la voie vers des espérances plus hautes et des pensées meilleures ; quant au droit de punir, je l’abandonne au ciel. — « La vengeance est à moi seul, » a dit le Seigneur ; et son serviteur se borne à répéter hautement cette redoutable parole.

Manf. Vieillard, ni le pouvoir des hommes pieux, ni la puissance de la prière, — ni les formes purificatoires de la pénitence, — ni la contrition du visage, — ni les jeûnes, — ni les souffrances, — ni, plus que tout cela, les tortures innées de ce profond désespoir qui est le remords sans la crainte de renier, mais qui se suffit à lui-même, et transformerait en enfer le ciel même, — rien ne peut exorciser l’âme indépendante, rien ne peut lui arracher le sentiment énergique de ses propres fautes, de ses crimes, de ses tourments et de sa vengeance sur elle-même ; point de supplices à venir qui puissent égaler la justice que se fait à elle-même l’âme qui se condamne.

L’abbé. Tout cela est bien, car tout cela passera, et fera place à une espérance salutaire ; l’âme lèvera les yeux avec une calme assurance vers ce fortuné séjour où peuvent être admis tous ceux qui en ont la volonté, quelles qu’aient été