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La première dest. La ville est endormie ; l’aurore la trouvera plongée dans les larmes : lente et sinistre, la noire peste s’est étendue sur elle ; — des milliers déjà sont dans la tombe, des milliers périront encore ; — les vivants fuiront les malades qu’ils devraient soigner ; mais rien ne peut arrêter la contagion dont ils meurent. La douleur et le désespoir, la maladie et l’effroi enveloppent une nation ; — heureux ceux qui meurent, et ne voient pas le spectacle de leur propre désolation ! — cet ouvrage d’une nuit, — cette immolation d’un royaume, — cette œuvre de mes mains, tous les siècles me l’ont vu l’aire, et je la renouvellerai encore.

Arrivent LA SECONDE Et LA TROISIÈME DESTINÉE.

Toutes trois ensemble. Les cœurs des hommes sont dans nos mains ; leurs tombes nous servent de marchepieds ; ils sont nos esclaves, nous ne leur donnons le souffle que pour le reprendre.

La première dest. Salut ! où est Némésis ?

Deuxième dest. Elle se livre à quelque œuvre importante ; ce que c’est, je l’ignore ; car mes mains étaient occupées.

Troisième dest. La voici.

La première dest. D’où viens-tu donc ? Mes sœurs et toi, vous arrivez bien tard, cette nuit.

Arrive NÉMÉSIS.

Némésis. Je m’occupais à réparer des trônes brisés, à marier des imbéciles, à restaurer des dynasties, à venger les hommes de leurs ennemis et à les faire repentir ensuite de leur vengeance, à tourmenter les sages jusqu’à les rendre fous, à faire fabriquer aux sots des oracles nouveaux pour gouverner le monde, car les autres commençaient à n’être plus de mise. Les mortels osaient penser par eux-mêmes, peser les rois dans la balance, et parler de liberté, ce fruit défendu. — Partons ! Nous avons laissé passer l’heure, moutons sur nos nuages.