Page:Byron - Œuvres complètes, trad. Laroche, III.djvu/20

Cette page n’a pas encore été corrigée

dons de notre science sublime, et retombes dans les lâches liens de la nature mortelle ! — Arrière !

Manf. Fille de l’air ! je te dis que depuis ce moment Mais des paroles ne sont qu’un vain souffle ; regarde-moi dans mon sommeil, ou suis-moi des yeux dans mes veilles ; — viens alors t’asseoir à mes côtés ! ma solitude n’en est plus une ; elle est peuplée par les furies ; — la nuit m’a vu dans son ombre grincer des dents jusqu’au retour de l’aurore, et le jour me maudire jusqu’au coucher du soleil ; — j’ai imploré la démence comme un bienfait, — elle m’a été refusée. J’ai affronté la mort, — mais dans la guerre des éléments, les flots se sont reculés de moi, et le péril a passé près de moi sans me toucher ; — la main glacée d’un démon impitoyable me retenait par un seul cheveu, qui n’a jamais voulu se rompre. Je me suis plongé dans les profondeurs et les magnificences de mon imagination, — autrefois si riche en créations ; mais, comme la vague qui se soulève, elle m’a rejeté dans le gouffre sans fond de ma pensée. Je me suis plongé dans le monde, j’ai cherché l’oubli partout, excepté là où il se trouve, et c’est ce qu’il me reste à apprendre ; — mes sciences, ma longue étude des connaissances surnaturelles, tout cela n’est qu’un art mortel : — j’habite dans mon désespoir, — et je vis, — et vis pour toujours.

La fée. Peut-être pourrai-je t’être utile.

Manf. Pour cela il faut que ta puissance évoque les morts, ou me fasse dormir avec eux. Donne-moi le trépas ! — quelles que soient sa forme, son heure — et la souffrance qui l’accompagne, pourvu que ce soit la dernière.

La fée. Cela n’est pas dans mes attributions ; mais si tu veux jurer de m’obéir et de faire tout ce que je t’ordonnerai, je puis accomplir ton vœu.

Manf. Je ne jurerai rien : — moi obéir ! et à qui ? aux esprits que j’oblige à comparaître devant moi ? moi l’esclave de ceux qui étaient à mes ordres ? — jamais !

La fée. Est-ce là tout ? N’as-tu pas de réponse plus aimable à me faire ? Penses-y encore, et réfléchis avant de rejeter mon offre.