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de vertu, par l’hypocrisie de ton âme toujours fermée, par la perfection de tes artifices, qui ont été jusqu’à faire croire que tu avais un cœur humain, par les délices que te font éprouver les douleurs d’autrui, par ta confraternité avec Caïn, je te condamne et t’oblige à être toi-même ton enfer !

Et sur ta tête je verse le vase de malédiction qui te dévoue à cette épreuve ; ta destinée sera de ne pouvoir ni dormir ni mourir ; tu verras sans cesse la mort auprès de toi pour la désirer et la craindre ; voila que déjà autour de toi le charme opère, et une chaîne silencieuse pèse sur toi ; contre ton cœur et ton cerveau tout ensemble l’arrêt fatal est prononcé ; — maintenant flétris-toi !

SCÈNE II.

Le mont Jungrau. Il commence a faire jour. — Manfred tel seul sur les rochers.
MANFRED.

Les esprits que j’ai évoqués m’abandonnent, — les charmes que j’ai étudiés m’ont déçu, — le remède sur lequel je comptais me torture ; je ne veux plus recourir à une aide surnaturel ; il ne peut rien sur le passé ; et quant à l’avenir, jusqu’à ce que le passé soit englouti dans les ténèbres, je n’ai que faire de le chercher, — ô terre ! ô ma mere ! et toi, jour qui commences à poindre ; et vous, montagnes, pourquoi y a-t-il en vous tant de beauté ? je ne puis vous aimer. Et toi, œil brillant de l’univers, qui t’ouvres sur tous, et qui es pour tous un délice, — tu ne luis point sur mon cœur. Et vous, rochers, au sommet desquels je me tiens debout en ce moment, ayant à mes pieds le lit du torrent et les hauts pins qui le bordent, lesquels, vus à cette distance étourdissante, semblent des arbrisseaux ; il suffirait d’un élan, d’un pas, d’un mouvement, d’un souffle, pour me briser sur ce lit de rochers, et reposer ensuite pour toujours. — Pourquoi est-ce que j’hésite ? J’éprouve le désir de me précipiter de cette hauteur, et pourtant je n’en fais rien ; je vois le péril, pourtant je ne recule pas ; mon cerveau a le vertige, pourtant mon pied est ferme : je ne sais quel pouvoir