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ŒUVRES DE LORD BYRON

prême qui soumet à la mort tout ce qui respire, et qui un jour doit me priver de toi !

Sceptique aimable, ne te méprends pas sur la cause de mon émotion : le doute ne peut arriver jusqu’au cœur de ton amant ; chacun de tes regards devient l’objet de son culte ; il suffit d’un sourire pour le charmer, d’une larme pour changer ses convictions.

Mais, ô ma douce amie ! puisque la mort doit tôt ou tard nous atteindre ; puisque nos cœurs, brûlant aujourd’hui d’une sympathie si vive, dormiront dans le sein de la terre pour ne s’éveiller qu’au jour où la trompette redoutable sonnera le réveil des morts ;

Eh bien ! savourons à longs flots le plaisir dont une passion telle que la nôtre est une source intarissable ; remplissons jusqu’aux bords la coupe de l’amour, et énivrons-nous de ce terrestre nectar.

1805




À CAROLINE.

Oh ! quand viendra la tombe ensevelir à jamais ma douleur ? Quand mon âme, quittant cette argile, prendra-t-elle son vol ? Le présent est l’enfer, et le lendemain ajoute de nouvelles tortures aux souffrances de la veille.

Mes yeux n’ont point de larmes, mes lèvres point de malédictions ; je n’exterminerai point les ennemis qui m’ont précipité du faîte du bonheur ; elle serait vile l’âme qui, en proie à de tels tourments, exhalerait en paroles ses plaintes bruyantes.

Si mes yeux, au lieu de pleurs, dardaient des traits de feu, si mes lèvres vomissaient des flammes que rien ne pourrait éteindre, mes yeux lanceraient sur nos ennemis les foudres de la vengeance, ma langue avec transport donnerait l’essor à sa rage.

Mais maintenant à quoi nous serviraient les malédictions et les larmes ? Elles ne feraient qu’ajouter à la joie de nos tyrans ; s’ils nous voyaient gémir de notre funeste séparation, cette vue réjouirait leurs cœurs impitoyables.