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de l’obliger à se défaire adroitement des autres domestiques, et d’introduire le Roi vers les onze heures du soir à la chambre du comte de L… Et pour ce qui est du comte, dont la présence étoit le plus grand obstacle, il l’engageroit à une partie de jeu, où ils passeroient une bonne partie de la nuit. Le Roi fut ravi de l’expédient que le duc lui proposoit, et il lui sembloit déjà qu’il étoit entre deux draps avec sa chère comtesse. Il lui commanda d’aller travailler promptement à ce dessein, et de venir aussitôt la rendre réponse.

Dès que le Roi eut congédié le duc, il entra dans la chambre de la Reine, où il trouva sa chère comtesse et plusieurs autres dames de la première qualité. Il ne l’avoit pas vue, il y avoit quelques jours, et il fut bien aise de voir qu’elle reprenoit son embonpoint. Son mal, dont on craignoit de fâcheuses suites, étoit tout-à-fait guéri, et il ne lui avoit laissé qu’une certaine langueur dans les yeux et sur son visage, qui la rendoit plus aimable, et surtout au Roi, qui n’y voyoit plus, ce lui sembloit, cette même sévérité qu’il avoit toujours si fort redoutée. — « A ce que je vois, Madame, lui dit le Roi tout bas, nous sommes tombés malades en même temps, et je sens qu’à mesure que vous guérissez, ma santé reprend de nouvelles forces. — Si cela étoit comme vous me le dites, je prendrois encore plus de soin de ma santé que je ne fais, répliqua cette comtesse. — Si ma santé vous étoit chère, lui dit ce prince, en tournant sa tête vers la fenêtre, afin qu’elle en fit autant, et qu’ils pussent parler sans être entendus, vous