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son mari l’eut quittée, elle brûla le billet qu’elle avoit reçu du Roi, qui étoit la seule chose qui pouvoit la convaincre de ce qu’on avoit tâché de faire croire au comte son époux ; et pour la réponse qu’elle avoit faite à ce prince, elle étoit conçue avec tant de retenue et tant de sagesse, qu’elle ne craignoit pas que son mari pût lui en faire une affaire. Ainsi l’esprit jaloux de la Montespan n’avança rien de ce côté-là pour perdre sa rivale dans l’esprit de son mari.

Elle attendoit que la santé du Roi fût un peu rétablie pour faire jouer d’autres ressorts, qui pussent le dégoûter de l’amour de la comtesse. Comme les maladies violentes ne sont pas de longue durée, celle du Roi, qui étoit une fièvre ardente, le quitta après le huitième jour. La Montespan le voyant déjà remis, et qu’il n’y avoit rien à craindre pour sa santé, fit ses visites plus longues, et ne songea qu’à divertir ce monarque, en lui apprenant tous les jours quelque nouvelle galanterie. — « Eh ! vous ne me dites rien de la comtesse de L…, dit le Roi à la Montespan, d’un air qui marquoit qu’il prenoit beaucoup de part à ce qui la regardoit. Est-ce qu’elle est sans intrigue ? Est-ce qu’elle manque de charmes ? Est-ce enfin, comme on me l’a assuré, qu’elle est aussi austère qu’une carmélite, et que sa vertu fait trembler tous ceux qui osent l’approcher ? »

La Montespan, qui attendoit à toute heure une semblable question de la bouche du Roi, fut bien aise de le satisfaire là-dessus, ou, pour mieux dire, de se satisfaire elle-même, en disant des choses de cette comtesse, qui pourroient