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tout troublé de ce qui venoit de lui arriver. Ce fut ainsi que se passa cette chasse, où le Roi n’obtint pas tout ce qu’il auroit voulu, mais où il reconnut pourtant qu’il étoit plus aimé qu’il ne s’étoit imaginé. Il ne pouvoit comprendre qu’une femme qui l’aimoit si tendrement, qui l’avoit dit à lui-même, et qui en avoit donné des marques plus certaines encore que ses paroles, pût se refuser un plaisir qui est le tribut ordinaire de l’amour, et la fin que tous les amants se proposent. Cela le passoit, et il étoit si peu accoutumé à voir de semblables prodiges de vertu, qu’il ne pouvoit se lasser d’admirer celle de la comtesse, quoique ce fût cette vertu qui seule étoit contraire à son amour et s’opposoit à tous ses désirs.

Ce fut aussi environ en ce temps-là que le Roi dit ces paroles, que j’ai rapportées au commencement de cette Histoire, « qu’il n’y avoit que deux femmes à la Cour qui fussent véritablement chastes, et pour lesquelles il feroit serment qu’elles étoient fidèles à leurs maris. » C’étoit la Reine, comme j’ai dit, et la comtesse de L…, qu’il venoit de mettre à une si grande épreuve.

Cependant cette vertu, dont le Roi n’étoit que trop persuadé, ne fut pas capable de refroidir son amour. S’il n’en eût pas été aimé, peut-être qu’il auroit abandonné le dessein de cette conquête, qu’il auroit regardée comme une chose impossible, ayant à combattre ces deux redoutables ennemis, l’honneur et l’aversion de sa maîtresse. Mais, ayant l’amour de son côté, il se flatta toujours de quelque espérance. Il