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jamais faite, et que rien ne seroit capable de m’arracher, si elle n’étoit sincère ; je vous aime, mon cher prince, car je puis bien vous nommer ainsi, avec toute l’ardeur et toute la tendresse dont une femme comme moi peut être capable ; oui, je vous aime autant qu’on peut aimer ; mais je ne puis renoncer pour vous à l’honneur, à la vertu, ni à aucune chose qui me puisse faire perdre votre estime. »

Ces paroles de la comtesse ne firent qu’enflammer davantage le cœur du Roi. Il venoit d’entendre de la bouche de sa maîtresse, qu’il en étoit tendrement aimé ; il n’est rien de si doux pour un amant passionné, et ce prince ne pouvoit pas contenir sa joie. — « Mais seroit-il bien vrai que vous m’aimassiez, dit-il à sa charmante comtesse, et que vous m’en donniez si peu de marques ! Non, quoique vous en veuilliez dire, vous n’avez jamais senti les traits de l’amour. — Hélas ! si je ne vous aimois, lui répondit-elle avec un air languissant, je ne vous souffrirois pas comme je vous souffre. — Eh ! croyez-vous, Madame, lui dit le Roi, qu’un cœur qui vous aime se puisse contenter de si peu de chose ? Ah ! que vous aimez foiblement si vous en jugez ainsi ! »

Alors ce prince, devenu plus hardi par la déclaration que la comtesse venoit de lui faire, attacha sa bouche contre la sienne, et lui donna un baiser dont elle ne put jamais se défendre ; elle se laissoit entraîner par un si doux charme ; l’honneur ne battoit déjà que d’une aile ; l’amour commençoit d’avoir le dessus, et le Roi, profitant d’un temps si précieux à l’amour, alloit se mettre