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et il ne savoit comment se raccommoder avec sa fière maîtresse. Au fond, l’offense n’étoit pas d’une nature qui méritât une grande punition, et qui dût si fort irriter le cœur d’une dame. Mais il connoissoit l’humeur de la comtesse, et il craignoit toujours cette vertu austère qu’il avoit remarquée en elle. Avant que de se déterminer de quelle manière il devoit se comporter avec elle, il voulut la voir en public, et tâcher de connoître dans ses yeux et par ses manières, quel étoit l’état de son cœur. Il ne l’eut pas plus tôt vue, qu’il jugea d’abord qu’elle n’étoit pas si irritée qu’elle lui avoit paru lorsqu’il s’émancipa de la manière que j’ai déjà dit, et qu’elle dit au Roi ces grosses injures. En effet sa pensée étoit, comme je l’ai remarqué, que ses filles l’avoient trahie et l’avoient abandonnée pour la livrer aux desseins du Roi, et ce fut la cause qu’elle ne put pas retenir son ressentiment. Mais quand elle eut reconnu par les discours de ses filles, qu’elles étoient innocentes d’une si noire trahison, et que ce qui étoit arrivé étoit un effet du hasard, sa plus grande colère fut amortie ; et, dans son âme, elle ne pouvoit condamner la liberté d’un amant qui trouvoit une occasion si favorable. Elle joignoit à cela les paroles choquantes qu’elle avoit dites au Roi, et que ce monarque avoit doucement avalées. Toutes ces confidences servoient à désarmer la comtesse. Elle étoit dans cet état, quand le Roi la vit dans une compagnie de dames ; et, comme il est bon physionomiste, comme le sont presque tous les amants, il connut d’abord ce qui se passoit dans le cœur de sa maîtresse. Il