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notre devoir et moquons-nous de tout le reste. »

La comtesse, qui voyoit que le Roi lui rabattoit tous ses coups, lui opposa son dernier retranchement, et, reprenant les dernières paroles de ce prince : — « Je conviens, dit-elle, de ce que vous venez de dire, qu’en faisant son devoir on peut se moquer de tout. Mais le ferai-je mon devoir, en écoutant des discours qui blessent le lien conjugal ? Une femme mariée peut-elle entendre une déclaration d’amour d’un autre que de son mari ? Que direz-vous, Sire, là-dessus, ajouta-t-elle en souriant, si je vous prends pour mon casuiste, et pour le directeur de ma conscience ? — Je vous dirai, dit le Roi, que vous avez l’esprit trop fort pour vous effaroucher de ce fantôme ; que vous savez trop bien le monde, pour vous faire un crime d’une chose si innocente. Il faut laisser ces vaines terreurs, ajouta-t-il, aux plus petites bourgeoises ; mais les dames comme vous, qui ont l’esprit épuré par l’air de la Cour, ne s’arrêtent pas à ces bagatelles. — Vous croyez bien pourtant, dit-elle, que le comte mon époux, qui a respiré toute sa vie ce même air, en jugeroit autrement si je le consultois là-dessus ? — Je suis sûr, Madame, répliqua le Roi, qu’il en jugeroit comme moi, quoique peut-être il ne vous dît pas sa pensée, et la qualité de mari qui veut faire la cour à sa femme, lui feroit tenir un autre langage. — Mais enfin, dit la comtesse, quand le comte, mon époux, seroit un de ces maris commodes qui laissent faire à leurs femmes tout ce qu’elles veulent, sans s’en mettre en peine,