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à soi-même, et celle qu’on doit aux autres, lui dit la comtesse. — Eh bien, Madame, répliqua le Roi, je vous la rends cette justice en vous aimant comme je fais, puisque je ne vois rien sous les cieux de si aimable que vous ; et je me la rends à moi-même, puisque j’ai un cœur sensible, et que la passion dont il brûle m’est plus chère que ma vie. Ce qu’on vous a dit de ma part n’est pas la centième partie de ce que je sens pour vous ; croyez, Madame, croyez, ajouta le Roi, que je me suis dit à moi-même tout ce que vous pourriez me dire pour combattre ma passion ; mais elle est plus forte que tout ce qu’on pourroit lui opposer. Si quelque chose devoit la détruire, ce seroient vos rigueurs ; mais désabusez-vous, elles n’en viendront jamais à bout ; elles peuvent me faire mourir, mais elles ne sauroient m’empêcher de vous aimer jusqu’au dernier soupir de ma vie. »

Le Roi prononça ces dernières paroles avec tant d’émotion et tant de véhémence que la comtesse en parut touchée, et ne put s’empêcher de laisser couler quelques larmes. Elle ne doutoit plus de l’amour du Roi ; ses regards, ses démarches, ses actions, et ce qu’elle venoit de voir et d’entendre, lui faisoit assez connoître, que ce monarque aimoit jusqu’à la fureur. Elle en fut fort affligée, et pour l’amour d’elle-même, et peut-être même pour l’amour de son amant, qu’elle ne pouvoit pas s’empêcher de plaindre. Quand elle se fut un peu rassurée, elle dit au Roi : — « Sire, vous pouvez juger de la surprise où je suis, après ce que je viens d’entendre de la bouche d’un grand Roi ; et s’il est vrai