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femme qui s’offense d’être aimée ; les plus chastes s’en font honneur, quoiqu’elles ne le témoignent pas ; elles regardent cela comme un hommage qu’on rend à leur beauté. La comtesse étoit faite comme les autres, elle étoit naturellement fière et superbe, et l’amour d’un si grand prince s’accordoit assez avec sa vanité. D’un autre côté, elle en craignoit de dangereuses suites, elle en appréhendoit l’éclat. Elle savoit qu’il n’en est pas des Souverains comme des autres hommes ; que leurs passions ne sauroient longtemps être cachées ; qu’on observe toutes leurs démarches, et qu’eux-mêmes servent à se découvrir, parce qu’ayant droit de commander, ils se croient dispensés de garder tant de mesures. Comme elle étoit fort délicate du côté de l’honneur et de la réputation, ces dernières pensées la troubloient beaucoup. Enfin elle résolut de s’en tenir à sa manière d’agir ordinaire, qui étoit de ne rien affecter, ni de chercher à voir le Roi, ni de tâcher à l’éviter, mais de le laisser venir et d’observer toutes ses démarches. Il semble qu’elle s’exposoit assez, et que le plus sûr pour une femme est de fuir les occasions. Mais celle-ci avoit un fond de vertu sur lequel peut-être elle ne devoit pas tant compter ; elle ne craignoit rien de sa propre foiblesse ; elle redoutoit seulement les langues malignes et les jugements téméraires du public ; mais elle se flatta toujours qu’elle dissiperoit assez tous ces nuages par l’éclat de son innocence.

Les choses étoient en ces termes, lorsque le Roi ne cherchoit qu’une occasion favorable pour parler à la comtesse, et pour tâcher de la persuader