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il n’entroit personne, deux pigeons se caressoient tendrement sur un jeune arbrisseau que la nature avoit fait naître dans ce lieu solitaire. L’amour prit plaisir dans ce moment à faire considérer avec attachement à ce philosophe rêveur toutes les petites manières innocentes et toutes charmantes dont cette aimable colombine se servoit pour faire connoître à son galant qu’elle l’aimoit. Ces tendres pensées lui inspirèrent l’envie d’aimer le chef-d’œuvre que Dieu a créé pour l’homme ; c’est de la manière qu’il en parle, après son retour d’indifférence, ayant toujours regretté les précieux moments qu’il n’a pas employés à aimer les jolies femmes.

Revenons au marquis du Bordage, qui ne pouvoit perdre l’idée charmante de sa belle Diane, qui avoit pris sa liberté comme les autres conquêtes qu’elle avoit faites. Ce passionné marquis ne pouvant trouver les moyens de faire connoître à mademoiselle de Bourbon combien il languissoit pour elle, lui écrivit ce qui suit dans la tablette que cette belle mignonne avoit perdue en courant le cerf, dans le plus épais de la forêt, et que ce tendre cavalier avoit trouvée à ses pieds ; voici ce qu’il y grava en la lui renvoyant :

Rien ne me touche tant que mon incomparable.
Je découvre en elle plusieurs charmes secrets,
Et mille appas et mille attraits,
Dont la douce force est pourtant inévitable.
De la douceur, point de fierté,
Un air qui n’est point affecté,
Un port majestueux, un esprit agréable
Qui range tous les cœurs sous son divin pouvoir,