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Louis, notre aimable patron, qu’il fortifie les bons mouvements de votre cœur. » Le frère remercia la marquise par une inclination de tête en la quittant.

Mademoiselle Gisson, toute malade qu’elle étoit, eut peine à s’empêcher de rire dans son lit, de l’hypocrisie de frère Antoine, qui trompoit si finement madame de Maintenon, en l’amusant d’oraisons imaginaires ; car le rusé jésuite aimoit bien mieux donner l’encens à Vénus ou à Bacchus, qu’aux autres saints et aux saintes, qui n’étoient, comme il le disoit à ses amis, que dans l’imagination des simples.

Le lendemain, le Roi, pour charmer son chagrin, qui étoit insupportable, fut à Saint-Cloud avec toute la Cour, où l’on donna un bal le plus charmant qui se soit jamais vu. La duchesse de Chartres[1] n’avoit point encore paru si aimable qu’elle le fut dans ce jour ; aussi emporta-t-elle le prix du bal, comme celle qui dansa du plus bel air, ce qui réveilla un peu la tendresse mourante du Roi, et lui fit naître l’envie de danser avec cette belle princesse, à qui Sa Majesté dit même des douceurs paternelles, que la duchesse trouva fort bien pensées ; à quoi elle répondit d’un air enjoué qu’elle devoit à Sa Majesté la lumière du jour : — « Il est vrai, mon illustre mignonne, dit le Roi

  1. Le nom de Mme de Chartres nous reporte au-delà de 1692, puisque c’est le 12 février de cette année que Philippe d’Orléans, duc de Chartres, fils du duc d’Orléans et neveu de Louis XIV, épousa mademoiselle de Blois, légitimée de France, fille du Roi et de Mme de Montespan, née en juin 1677.