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mais que la chose étant de la dernière importance, il faut que je la communique au comte mon époux. — Je vois bien, lui dit le duc, comme il vit que le reste de la compagnie les alloit joindre, que vous avez trop d’esprit pour moi, et trop de vertu pour le Roi. »

Cet amant attendoit le duc avec une extrême impatience. On peut s’imaginer aisément de quelle manière il passa la nuit. Tantôt la comtesse se présentoit à son imagination avec tous ses charmes, tantôt il la voyoit avec cet air sévère dont la seule pensée le faisoit blêmir. Quelquefois il se flattoit qu’il n’étoit pas haï de sa maîtresse, et que ces manières réservées qu’elle affectoit avec lui n’étoient que des mesures qu’elle vouloit prendre contre son cœur, dont elle sentoit la faiblesse. Enfin l’habileté de son confident achevoit de le persuader que sa négociation auroit un fort bon succès. Cependant le malheur qu’il avoit eu à la chasse le jour précédent, lui étoit d’un mauvais présage qui troubloit toutes ces douces pensées ; et son esprit, diversement agité, passa la plus longue de toutes les nuits, entre l’espérance et la crainte.

L’heure du lever du Roi ne fut pas plus tôt venue, que le duc de La Feuillade se rendit auprès de Sa Majesté, et ce prince amoureux, impatient d’apprendre le succès[1] de son ambassade, congédia le plus tôt qu’il put cette foule de courtisans, qui ne faisoit alors que l’importuner[2]. Il ne se vit pas plus tôt seul avec son

  1. Le texte dit : sujet. — Succès, issue, résultat.
  2. Voici ce qui se passait au lever du Roi ; nous traçons ce tableau en nous guidant sur l’État de la France