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commençoit à l’abandonner, en fit des plaintes sensibles à son confesseur[1] et à la marquise de Maintenon, comme à ses deux plus fidèles amis, à qui Sa Majesté confie tous ses secrets et les fait dépositaires de ses plus chères pensées. Ce prince leur dit, en des termes fort pathétiques, que la vie lui étoit un supplice, depuis un espace de temps, et qu’il envioit le bonheur de ceux qui passent leurs jours dans des monastères ; qu’ils étoient exempts de mille et mille chagrins qui travaillent les hommes, et qui leur rongent l’esprit ; que de toutes les conditions, celle des monarques et des princes étoit la plus à plaindre ; que l’éclat qui environnoit leur sort n’étoit qu’imaginaire, et que le moindre berger goûtoit plus de douceurs dans son petit état possible[2] que le plus grand des rois ne faisoit dans tout son triomphe.

Des réflexions de cette nature étonnèrent extrêmement le révérend Père, qui regarda la marquise de Maintenon en soupirant, et qui lui dit : « — Madame, le cœur de notre monarque est tout abattu, ce qui me surprend assez qu’un grand prince comme lui, qui a la foudre en main pour renverser l’univers quand il voudra, puisse concevoir des idées si tristes. » Le Père jésuite dit ces paroles avec chaleur, comme étant intéressé à la conversation du Roi, qui a tant de bonté pour tous les religieux, particulièrement pour les révérends Pères de la compagnie de Jésus, qui font tout leur possible pour enlever la tendresse

  1. Le P. de la Chaise.
  2. Peut-être.