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pour moi ? — Lui-même, Madame, me l’a dit, et ce grand Monarque n’osant vous expliquer lui-même ses sentiments, m’a ordonné de vous dire qu’il vous aime, ou plutôt qu’il vous adore ; que si l’excès de son amour l’a fait parler si souvent par ses soupirs et par ses regards, le grand respect qu’il a pour vous ne lui a jamais permis de vous le dire. Il m’a choisi pour vous porter cette parole, que vous êtes son unique souveraine, qu’il ne veut recevoir la loi que de vous seule, qu’il met à vos pieds son sceptre et sa couronne ; que vous seule pouvez décider de sa destinée, et que sa vie ou sa mort dépendent de la réponse que je lui dois porter de votre part. — Je vous ai écouté sans vous interrompre, lui dit cette sage comtesse, puisque vous m’avez dit que vous parliez de la part du Roi, et qu’étant sujette, je suis obligée d’écouter avec respect tout ce qui vient de la part du souverain ; mais le Roi sait-il que je suis mariée ? — Oui, Madame, il le sait, répliqua le duc ; il sait ce que vous devez à votre époux, et ce que vous vous devez à vous-même. Il veut bien que vous vous en souveniez ; il veut bien oublier lui-même qu’il est votre Roi ; et il m’a commandé de vous dire par exprès, qu’il ne se servira jamais de son autorité pour vous obliger à rien qui puisse choquer votre devoir ; qu’il ne vous demande d’autre grâce que celle de vous voir, et de vous parler quelquefois de sa passion ; et qu’enfin, sans prétendre autre chose de vous que ce que je viens de vous dire, et que la vertu la plus austère ne sauroit refuser à un si grand Roi, vous pouvez disposer des premières charges de