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c’est ce qui achevoit de le désoler. « Cela m’avertit assez, disoit-il en soi-même, que le duc ne sera point écouté, que toutes ses paroles seront regardées comme du vent, et que tous les coups qu’il portera pour moi à la comtesse, ne feront que blanchir[1] ; au lieu que le comte, qui a blessé la bête que j’ai failli toucher, ne manquera pas ce soir de trouver sa femme, qui le recevra d’abord avec les mêmes empressements et les mêmes marques de tendresse qu’elle lui a données depuis leur mariage. » C’est ainsi que le Roi s’entretenoit, et il lui tardoit que le jour fût fini, pour apprendre bientôt son bien ou son mal.

Cependant le duc de La Feuillade prit le temps qu’il jugea le plus propre pour entretenir la comtesse d’une affaire si chatouilleuse. Il attendit qu’on eût dîné, qu’on eût pris le plaisir du jeu et de la musique, et qu’on exécutât le dessein de prendre vers le soir le plaisir de la promenade. C’étoit en effet le temps le plus propre à son dessein ; car, au lieu que, pendant la chaleur du jour, ils avoient été tous ensemble occupés au jeu, lorsque le soleil commença de baisser, on alla se promener dans un bois à haute futaie, où il y avoit plusieurs grandes allées, diverses fontaines, plusieurs jets d’eau, des grottes, des cabinets[2], des berceaux, des

  1. Richelet traduit : «Blanchir, faire des efforts inutiles. » — Furetière dit : «Blanchir se dit des coups de canon qui ne font qu’effleurer une muraille, et y laissent une marque blanche. En ce sens on dit au figuré de ceux… dont tous les efforts sont inutiles que tout ce qu’ils ont fait, tout ce qu’ils ont dit n’a fait que blanchir. »
  2. Des cabinets de verdure.