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Roi comme vous peut-il soupirer ? — Oui, Mademoiselle, répliqua notre prince, en la regardant tendrement ; l’amour ne met point de différence entre le sceptre et la houlette. Un Roi languit aussi bien sous son empire qu’un berger. Ne croyez pas, ma belle, continua ce prince, que c’est le pouvoir d’un monarque qui fait son bonheur. Une douce sympathie qui lie nos cœurs fait les délices des amours. »

Cet entretien qui commençoit à échauffer le Roi, fut rompu par monseigneur le Dauphin qui s’approcha de Sa Majesté pour lui conférer de quelque affaire.

Le lendemain notre Monarque fut au lever de son illustre maîtresse, qu’il trouva dans une mélancolie touchante. Il lui marqua bien du chagrin de la voir dans cet état, et lui demanda, d’une manière toute passionnée, quel en étoit le sujet. « Ah ! Sire, dit la belle, en soupirant, si vous étiez moins aimable, on n’auroit pas tant de tristesse ! » Sa Majesté connut aussitôt que c’étoit la jalousie qui lui donnoit cette langueur. Il n’en fut pas fâché, car ce prince veut être aimé, quand il aime, et il n’y a rien qui l’engage si fortement que ces sortes de craintes. Il apprit en même temps de cette jolie mignonne que ce qui s’étoit passé au bal l’avoit affligée sensiblement, que c’étoit la seule cause de sa douleur. — « Eh ! quoi, ma belle enfant, répondit le Roi, en se jetant à ses genoux, est-il possible que vous connoissiez si mal les sentiments de mon cœur ? Je vous aime mille fois plus que moi, et vous outragez mon amour par vos injustes pensées. — Quel plaisir charmant,