Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/270

Cette page n’a pas encore été corrigée

Que je serois heureux ! mais mon cœur me dément,
Et veut contre mon gré que je lui sois fidèle.
Hélas jusques à quand, poussant votre fierté,
Joindrez-vous le mépris avec la dureté ?
Si pour vous aimer trop, et si par complaisance,
J’ai desservi [pour vous] tous mes meilleurs amis,
Voulez-vous me haïr pour en tirer vengeance ?
Ah ! vous puniriez trop le mal que j’ai commis.

Quand La Valière eut vu ces vers, qu’elle les eut baisés plusieurs fois, comme venant de son prince, elle partit avec madame de Montausier[1] pour faire visite au Roi, qui parut si charmé en voyant cette belle qu’il lui demanda mille pardons, et l’embrassa passionnément ; il lui dit plusieurs fois : « Hélas ! mon adorable ! si vous n’avez pitié de moi, je serai le plus misérable de tous les hommes. Que je vous aime, et que vous aviez tort de me marquer de l’indifférence ! » Cette visite se passa avec toutes les expressions de tendresse que l’amour peut faire. Le lendemain, Sa Majesté fut se promener dans les jardins de Saint-Cloud avec La Valière, et madame d’Angoulême[2], où notre Monarque, qui étoit de bonne humeur, parut le plus galant et le plus spirituel du monde. La Valière, qui étoit dans une tristesse extrême, ne pouvoit prendre grande part à l’enjouement du Roi qui lui demanda le sujet de sa mélancolie. — « Quoi ! mon cher prince, répartit notre incomparable, croyez-vous que je n’appréhende pas que Votre Majesté ne se lasse de m’aimer, en voyant comme je change

  1. Voir t. II, p. 53, les notes et le texte. Ce qui suit en diffère notablement.
  2. Voy. t. II, p. 73.