Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/263

Cette page n’a pas encore été corrigée

amoureux prince lui dit qu’il étoit Roi, et qu’il alloit y donner ordre. — « Enfin, répondit cette adorable, en levant les yeux au Ciel, on est bien foible quand on aime, et je ne me sens pas la force de vous résister. » Elle sortit et se mit dans le carrosse que le Roi avoit fait amener. Sa Majesté lui proposa en chemin de lui donner un hôtel et un train ; mais cela lui parut trop éclatant ; elle l’en remercia fort civilement. Le Roi, en arrivant, dit à Madame qu’il la prioit de considérer Mlle de La Valière comme une fille qu’il aimoit plus que sa vie : — « Oui, répartit Madame, en souriant, je la regarderai comme étant à vous. » Le Roi parut mépriser cette raillerie, et continua ses visites avec plus d’attache qu’auparavant. Il lui envoya continuellement des présents en la présence de Madame. Le Roi donna à La Valière le palais Brion[1], qu’il alla lui-même voir meubler le plus richement du monde, afin de la pouvoir entretenir sans témoins[2].

Ce prince tomba malade à Versailles, et pendant cette maladie il rêva toujours à sa belle qui ne vouloit pas le voir, de crainte d’irriter son mal ; mais après qu’il n’y eut plus de danger à

  1. Le Palais Brion (et non Biron, comme on l’a imprimé par erreur, t. II, p. 44) étoit un lieu de plaisir où tantôt le Roi, tantôt le jeune duc d’Anjou son frère, donnoient fréquemment des dîners et des bals, dans les plus mauvais jours de la Fronde. Loret dans sa Muze historique (1er vol.), décrit souvent des fêtes de ce genre, et certains incidents qu’il relève donnent une curieuse idée des mœurs du temps.
  2. Ici l’auteur, pour abréger, passe quelques circonstances qui se lisent dans le Palais-Royal. T. II, p. 44.