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belle, je serai le plus fortuné de tous les hommes, si vous me plaignez un peu, étant à vous comme je suis. »

La Valière rougit, et parut interdite en voyant le Roi, qu’elle aimoit, à ses genoux, tout passionné. Elle se leva par respect, mais le Roi lui prit la main et la baisa tendrement, en lui disant : — « Ma charmante ! je suis malheureux, puisque vous n’êtes pas sensible, et je suis à plaindre en vous adorant comme je fais. » — « Non, Sire, répliqua-t-elle, je ne suis point insensible à ce que vous sentez pour moi. Il y a longtemps, ajouta cette aimable fille en poussant un soupir, que l’amour m’a fait connoître secrètement que je devois aimer le plus parfait de tous les Rois. »

Notre Monarque parut touché d’entendre un aveu si doux et si favorable à son amour ; mais la pluie qui survint en abondance rompit une conversation si tendre. Le Roi, qui n’avoit pas encore toutes les assurances qu’il vouloit du cœur de son adorable, lui envoya ce billet[1].

« Hélas ! ma charmante enfant ! si vous ne m’aimez en bref, il faudra que je meure. L’on cherche avec empressement ce qui me peut rendre rêveur comme je le suis ; mais l’on ne pénètre pas que je vous aime plus que moi-même, et que vous me mettez au désespoir par vos manières cruelles. Ah ! ma chère mignonne !

  1. Toujours les lois de la galanterie ; toujours la pratique du Cyrus et de la Clélie. Bussy lui-même s’est conformé aux usages convenus et a inventé les billets, les petits vers et les conversations amoureuses en honneur dans les romans du temps.