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qu’un rare mérite fait naître dans nos âmes ? Je ne vois point de bonheur à respirer le jour, si de l’Univers on en bannissoit l’amour. Tous les plaisirs se trouvent dans sa suite, et la vie sans aimer seroit un supplice[1].

Les peintres n’ayant pu trouver des couleurs assez belles ni assez vives pour faire des yeux au fils de Vénus, l’ont représenté aveugle ; ce Dieu auroit-il eu bonne grâce en faisant toutes les conquêtes qu’il a faites sans voir ? C’est une erreur un peu grossière, car quand l’Amour veut s’emparer d’un cœur, il se sert toujours des yeux d’un bel objet, pour en blesser un autre : ce qui ne seroit pas, si ce malicieux enfant ne savoit très-bien que de tous les sens, les yeux sont les plus susceptibles, parce qu’ils découvrent, les premiers, les redoutables attraits des belles. Il faut donc raisonner en cet endroit philosophiquement, et dire qu’un aveugle ne peut devenir savant quand il est privé des facultés les plus nécessaires, comme la vue. L’on voit aussi que ce conquérant est fort éloquent et grand rhétoricien, puisqu’il confond les raisonnements les plus sublimes et les plus solides.

  1. Ces lignes en italique ont la prétention d’être des vers de mesure inégale ; ils valent ceux du frontispice. Voir page 242, note 150. Il faut lire sans doute :
    Est-il rien de si doux qu’une ardeur innocente
    Qu’un rare mérite fait naître dans nos âmes ?
    Je ne vois nul bonheur à respirer le jour
    Si de l’univers on bannit l’amour.
    Tous les plaisirs se trouvent dans sa suite
    Et sans aimer la vie est un supplice.

    Voyez également ci-dessous ; l’auteur a risqué d’autres vers aussi dépourvus de sens, de mesure et de rime que le sont ceux-ci.