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tempête qu’il craignoit si fort. Il fit même réflexion, qu’ayant une plus grande liberté d’esprit, il pourroit représenter mille choses à la Comtesse, qui n’auroient pas été si bien dans la bouche du Roi, et lui faire valoir tous les avantages qu’elle pouvoit retirer de cette conquête, et pour elle et pour les siens.

Dans cette résolution, il mande le duc de La Feuillade, qui le vint trouver dans le cabinet. Ce duc s’attendoit d’abord à quelque nouvelle confidence, et que le Roi lui alloit apprendre quelques grands progrès qu’il auroit déjà faits dans son amour. Mais il fut bien surpris quand il apprit que Sa Majesté étoit encore aux mêmes termes où il étoit la première fois qu’il lui fit cette confidence. Cela le surprit d’autant plus qu’il savoit par lui-même que le Roi n’étoit pas si patient dans ses amours, et moins encore timide quand il étoit question de se déclarer. Il jugea d’abord que c’étoit une passion extraordinaire, qui dureroit longtemps, et dont son maître auroit bien de la peine à revenir. Il lui dit donc qu’il étoit en état d’exposer jusqu’à la dernière goutte de son sang pour la satisfaction de Sa Majesté, et dans cette affaire et dans toutes celles où il lui feroit l’honneur de l’employer. — Le Roi lui répondit qu’il lui savoit bon gré de son zèle pour son service, mais qu’il n’étoit pas question d’exposer son sang ni sa vie ; qu’il n’avoit besoin que de son adresse et de son esprit, et de ce beau talent qu’il avoit pour gagner les cœurs des dames ; qu’il le prioit de mettre tout en usage pour lui gagner celui de la comtesse de L…, remettant à sa prudence la