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nous aujourd’hui les véritables sentiments de votre cœur ? qu’avez-vous résolu en faveur d’un prince qui vous adore ? faut-il vivre, faut-il mourir ?

Mlle du Tron, en riant. — Sire, il faut vivre ; la vie d’un grand monarque comme vous est si précieuse, que vous ne devez pas douter que je ne contribue de tout mon possible à sa conservation.

Le Roi. — Cela est fort obligeant ; vous voyez, ma belle, qu’elle ne dépend plus que de vous ; et si vous me refusez ce que je vous demande, qui est la préférence de votre cœur, je suis le plus malheureux de tous les hommes.

Mlle du Tron. — Comme cette préférence est due au rang que tient Votre Majesté, c’est si peu de chose pour elle, que je crois qu’elle ne s’en inquiète pas beaucoup.

Le Roi. — Ah ! quelle injustice vous me faites, ma chère demoiselle, de me croire indifférent pour la plus grande de toutes les conquêtes ! Désabusez-vous, de grâce, d’une telle erreur, et croyez au contraire que c’est cette heureuse préférence qui fera toute ma félicité, si vous voulez bien me l’accorder. Oui, c’est un bien que j’estime infiniment. A quel désespoir ne me réduirez-vous point si vous me refusez ? Prononcez-en donc au plus tôt l’arrêt ; car je ne puis vivre plus longtemps dans cette cruelle incertitude où vous m’avez laissé.

Mlle du Tron. — Eh bien, Sire, puisque vous voulez que je croie que votre déclaration est sincère, quelque sujet que j’aie de me défier de mon peu de mérite, je consens d’y ajouter