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vanité, de tenir quelque temps contre les attaques d’un grand Roi, auquel jusqu’ici rien n’a résisté ? C’est déjà beaucoup, qu’on vous ait entendu ; mais c’est encore plus qu’on vous l’ait fait connaître ; car pour le premier, il n’y a pas la moindre difficulté, les dames entendent d’abord ce qu’on veut leur dire ; mais comme elles font semblant de ne l’entendre pas, peut-être par le plaisir qu’elles ont de se le faire répéter souvent, elles ne veulent point avouer qu’elles comprennent un langage qu’elles savent encore mieux que nous. Ainsi puisque votre Majesté a déjà parlé, et qu’on lui a fait connoître ce qu’elle vouloit dire, c’est déjà un assez grand avancement. Mais il faut s’expliquer d’une autre manière, et les belles exigent de nous qu’on mette tout en usage, avant que de faire la moindre avance ; elles sont comme ces gouverneurs de places, qui, ayant de l’honneur et de la fidélité pour leur prince, ne veulent se rendre qu’à la dernière extrémité, pour sauver au moins, en se rendant, cet honneur qui leur est si cher, et pour ne perdre pas les bonnes grâces de leur maître. Il en sera ici de même, et la conquête que votre Majesté entreprend ne se pourra faire qu’à force de temps, de machines, de ruses et de stratagêmes ; mais enfin nous en viendrons à bout. C’est une femme fière, qui se fait un point d’honneur de la fidélité qu’elle doit à son mari, qui veut soutenir cet honneur à la pointe de l’épée, mais qui a résolu pourtant de se rendre, quand elle aura fait tout ce que les gouverneurs les plus braves ont accoutumé de faire pour la défense d’une place. »