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bien qu’il y va du repos de ma vie, et peut-être de ma vie même. »

Le duc entendant parler ainsi le Roi, fut touché de son état, et ce prince, qui l’avoit appelé pour lui faire confidence de son amour, lui nomma l’objet qui l’avoit enflammé. — « J’avoue, Sire, lui dit alors le duc de La Feuillade, que vous avez quelque sujet de vous défier du succès de votre entreprise ; cette dame est extrêmement fière, et d’une vertu qui a quelque chose d’austère et de farouche ; mais le temps et l’amour viennent enfin à bout de tout, principalement lorsque tout cela est soutenu par l’éclat d’une couronne, et d’une gloire comme la vôtre ; et quand l’amour ne regarderoit pas à toutes ces choses, vous avez outre cela toutes les qualités du cœur et de l’esprit, et tout ce qu’il faut pour se faire aimer. — Je veux que cela soit, dit le Roi, j’ose me flatter que j’ai tout ce que tu dis là, mais je n’ose me flatter de toucher une insensible. — Mais vous n’avez encore rien tenté, reprit le duc, vous n’avez encore parlé que le langage des yeux ; expliquez-vous d’une autre manière, et vous verrez comment on y répondra. — Je ne le vois déjà que trop, dit le Roi, et les yeux de cette cruelle, à qui les miens ont déjà parlé mille fois, ne m’ont répondu que par un silence froid, capable de glacer le cœur le plus enflammé, ou par des regards terribles qui m’ont annoncé l’arrêt de ma mort. — Que savez-vous, Sire, lui dit alors La Feuillade, si l’on ne veut pas vous rendre cette conquête plus précieuse par la résistance, et si on ne se fait pas une espèce de gloire et de