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M. de Pontchartrain. — Sire, c’est un malheur, mais la chose est faite.

Le Roi. — Oui, de par tous les diables, mais je n’en suis pas mieux, et mes forces s’affoiblissent toujours de plus en plus.

M. de Pontchartrain. — Rien n’est plus vrai, Sire ; car les trois États de Votre Majesté sont aux abois et n’en peuvent plus ; le Clergé, le Parlement et la Noblesse se sont saignés jusques à la dernière goutte de leur sang, et je ne sais par quel nouvel impôt on pourra trouver de l’argent.

Le Roi, après avoir rêvé. — Monsieur, il me semble qu’il seroit plus à propos de taxer les heures que les vents, parce qu’elles font toujours leur même révolution, et que chacun s’en sert généralement sans pouvoir s’en passer, particulièrement l’heure du berger, qui est d’une nécessité importante aux amants.

M. de Pontchartrain. — Mais, comment, Sire, connoître les heures destinées à l’amour, à moins de taxer tous les jeunes gens.

Le Roi. — Monsieur, l’on ne sauroit manquer de comprendre au rôle de cette taxe tous les vieux et les jeunes ; car je puis vous assurer que les vieillards aiment autant à se divertir que les autres.

M. de Pontchartrain. — Mais, Sire, Votre Majesté ne trouveroit-elle pas bon d’y mettre les religieux et les abbés[1], qui font…

Le Roi. — Ah ! ciel ! Monsieur, vous n’y songez pas ; il est vrai que les abbés sont amis de la

  1. Voy. ci-dessus, p. 133, note 54.