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qui a ravi la liberté de ce prince, pour l’avoir vue une fois à l’Opéra.

M. Fagon. — Quoi, Mlle du Tron ! qui auroit jamais dit que cette fille avec son air précieux et languissant[1], auroit pris le cœur d’un si grand prince ?

Mme de Maintenon. — Cependant, c’est elle-même ; le Roi en est si charmé que, hors de sa présence, il ne peut trouver de repos.

M. Fagon. — Ah ! Madame, je la plains : Il faut que ce prince fasse de grands efforts pour contenter cette jeune amante, cela détruira infailliblement sa santé.

Mme de Maintenon. — C’est ce que je dis aussi, Monsieur ; je vous prie instamment de vous servir de tout l’ascendant que vous avez sur ce monarque, pour le détourner de cette amourette qui lui est si désavantageuse pour le corps et pour l’esprit, qu’il n’est occupé que de sa nouvelle passion.

M. Fagon. — Je ferai tout mon possible, Madame, pour persuader à ce prince que sa santé y est intéressée ; et comme Sa Majesté ajoute assez de foi à ce que je lui dis, j’espère de réussir dans mon dessein.

Mme de Maintenon. — Dieu le veuille, Monsieur, pour mon repos. Il me souvient que, quand vous dîtes au Roi dernièrement que l’air de Meudon lui étoit meilleur que celui de Versailles, il a cru votre conseil, puisque Sa Majesté y va une ou deux fois la semaine, et

  1. Il est à remarquer précisément que, excepté Mme de Montespan, toutes les maîtresses du Roi eurent cet air « précieux et languissant. »