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plus malheureux ? L’amour m’offre les plus belles occasions qu’un amant pourroit souhaiter pour jouir de sa maîtresse ; elles échouent toutes, ou par son adresse ou par mon malheur ; et lorsque je crois la tenir entre mes bras, je n’embrasse qu’un fantôme. Au moins, ajoutoit-il, si je n’avois été trompé qu’une seule fois, j’aurois quelque consolation ! A la bonne heure que je n’eusse point encore joui de la comtesse, pourvu que ce fût celle que je trouvai si favorable le jour de la première mascarade, lorsque je fis paroître tant de faiblesse. Mais pour mon malheur, elle n’a aucune part ni à l’une ni à l’autre aventure. Ses rigueurs et sa fierté ordinaire ne me l’ont que trop appris, et si j’ai eu quelques petites libertés auprès d’elle, ce n’est pas de son consentement ; c’est la force, c’est la supercherie, c’est la forme trompeuse d’un mari qui me les a fait obtenir. » De sorte que le grand Alcandre fut autant ingénieux à se tourmenter, qu’il avoit été facile à se tromper lui-même et à flatter sa passion.

Pour la comtesse, elle jugea bien qu’on la vouloit perdre de réputation, et elle soupçonna la Montespan du déguisement dont elle se servit pour tromper le Roi, et pour la faire passer pour une coquette. Elle crut donc qu’elle ne devoit plus dissimuler à son mari la passion que le grand Alcandre avoit pour elle et le dessein que la Montespan avoit de la perdre ; mais elle se garda bien de lui dire les mauvais pas où elle s’étoit trouvée avec le Roi. Car, quoiqu’elle en fût sortie à son honneur, ces sortes de choses ne sont pas bonnes à dire à un mari, qui en pourroit