Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/114

Cette page n’a pas encore été corrigée

arriver en amour. Enfin ce malheureux amant se trouva sans armes, lorsqu’il crut que sa maîtresse n’étoit plus en état de lui résister.

La fausse comtesse, qui s’aperçut bien de son malheur, ne fit pas semblant de le connoître, et revenant de son feint assoupissement, elle dit au grand Alcandre : — « Nous nous arrêtons ici trop longtemps ; que pourra-t-on dire de nous ? — Vous avez raison, Madame, lui répliqua-t-il, nous ne faisons rien ici ; mais on ne peut rien dire qui vous fasse tort, quand on sauroit même ce qui s’est passé. »

Comme le grand Alcandre achevoit de parler, on vit venir du monde de divers endroits, où ils se mêlèrent eux-mêmes, sans qu’on y prît garde ; après cela, chacun alla se reposer le reste de la nuit.

Qui pourroit représenter les inquiétudes où étoit le grand Alcandre, après le malheur qui venoit de lui arriver ? Il éprouva tout ce que le déplaisir, la honte et le désespoir ont de plus cruel : — « Faut-il, disoit-il, que ce moment favorable que j’avois tant désiré, soit le plus fatal et le plus malheureux de ma vie ? Que le seul moment où celle qui m’a tant fait souffrir se vient jeter entre mes bras, me devienne inutile par ma lâcheté ! C’est un affront que je ne puis me pardonner à moi-même. Toutes mes autres disgrâces n’étoient rien en comparaison de cette dernière. Être rebuté par une maîtresse, c’est un malheur assez ordinaire ; mais se voir au comble de toutes les faveurs qu’on en peut jamais espérer, et ne profiter pas d’un temps si précieux, je ne vois rien qui puisse égaler un tel