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il avoit eu autant de complaisance pour elle que si c’eût été une reine ; qu’il s’en étoit brouillé avec la duchesse[1], qui étoit la meilleure femme du monde ; que Monsieur le prince son père[2] n’en avoit pas été plus content ; qu’il lui avoit prédit plusieurs fois ce qui lui arrivoit aujourd’hui, mais qu’il avoit toujours été si aveuglé qu’il n’en avoit voulu rien croire ; qu’elle verroit si Tallard feroit pour elle ce qu’il avoit fait ; que ce n’étoit pas pour lui reprocher, mais que les marques de son amour avoient paru si éclatantes que Corneille le jeune avoit pris sujet de là de faire la pièce de l’Inconnu. En effet, c’étoit ce duc qui lui avoit fourni une partie de sa matière, par les fêtes qu’il lui avoit données, et il n’y avoit ajouté qu’un peu d’intrigue[3].

La comtesse nia fortement le commerce qu’elle avoit avec Tallard, et, prenant le parti de la dissimulation, parti assez ordinaire aux femmes,

  1. Le prince Henri-Jules épousa, le 11 décembre 1663, Anne de Bavière, fille d’Edouard de Bavière, prince palatin du Rhin, et d’Anne de Gonzague, laquelle étoit sœur de la reine de Pologne et fut adoptée par le Roi son beau-frère.
  2. Voy., sur le grand Condé, une note importante de M. Boiteau dans cet ouvrage, t. 1, p. 198.
  3. La comédie de l’Inconnu, par Thomas Corneille, est de l’année 1675. Le titre porte qu’elle est « mêlée d’ornements et de musique ». Dans son Avis au lecteur, l’auteur dit : « Dans le sujet de l’Inconnu vous ne trouverez point ces grandes intrigues qui ont accoutumé de faire le nœud des comédies de cette nature, parce que les ornements qu’on m’a prêtés, demandant beaucoup de temps, n’ont pu souffrir que j’aie poussé ce sujet dans toute son étendue. » — D’après l’indication fournie par le pamphlet que nous annotons, le marquis de la pièce, toujours occupé à faire de galantes surprises à la comtesse, ne seroit autre que le duc d’Enghien.