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avoit fait mention dans sa lettre. Il eut bien de la peine à se défaire tout d’un coup de cette somme, principalement en ayant donné deux autres assez considérables il n’y a pas longtemps ; mais, faisant réflexion qu’il auroit trois mois devant lui sans qu’elle lui pût rien demander, il fit cet effort sur son inclination, ce qui n’étoit pas une des moindres marques qu’il lui pouvoit donner de son amour.

Ces trois sommes lui servirent pour jouir du corps de cette dame, car, pour le cœur, il étoit en ce temps-là au comte de Tallard[1], qui ne le garda guère néanmoins, son talent étant de plaire plutôt aux hommes qu’aux dames. Je ne saurois dire qui prit sa place, car il y en eut tant qu’elle traita comme si elle les eût aimés, que je me pourrois méprendre si je disois qu’elle eût un favori.

Cependant, le vieux maréchal restoit toujours au lit à crier les gouttes. Il avoit rendu grâces au ciel de ce qu’il l’avoit défait du duc de Longueville, espérant que, selon le proverbe italien qui dit : Morte la bête, mort le venin, on ne songeroit plus dans le monde à ce qui s’étoit passé. Il sembloit même qu’il en avoit perdu le souvenir ; car, quand elle alloit dans sa chambre, il ne l’appeloit plus que m’amour et mon cœur, au lieu que ce n’étoit pas toujours auparavant le nom qu’il lui avoit donné. Mais, pour lui donner une nouvelle mortification, on lui vint dire que le duc de Longueville avoit laissé un bâtard et que le Roi le faisoit légitimer[2]. Il n’osa demander

  1. Voy. ci-dessus, p. 228.
  2. Voy. ci-dessus, t. 2, p. 411, note 340. Le Roi fut heureux