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jamais valu de sa vie. En effet, il avoit fait dans son temps mille cruautés et autant d’exactions, sans compter le bien d’autrui dont il s’étoit emparé, moitié de force, moitié par adresse.

Je ne dis pas ceci sans raison, et cela a plus de rapport à mon sujet que l’on ne pense ; de quoi je ne crains point de faire tout le monde juge, après que j’aurai rapporté ce que je vais dire. Sa femme avoit une terre auprès d’Orléans, nommée la Loupe[1], et lui ayant pris envie d’y faire bâtir et de l’agrandir, il acheta tout le bien d’alentour, ne se souciant pas de ce qu’on le lui vendoit, parce qu’il ne le payoit pas. Il avoit eu ainsi le bien d’un gentilhomme, qui s’étoit défendu quelque temps de passer contrat avec lui, sachant qu’il est dangereux d’avoir affaire à un plus grand seigneur que soi ; mais n’ayant pu résister à une force majeure, qui étoit en usage en ce temps-là, il y avoit plus de vingt ans qu’il étoit dépouillé de son bien, sans avoir jamais touché un sou, ni du principal, ni des arrérages. Réduit à la dernière nécessité, il se jeta à genoux devant le Roi, et, le Roi s’étant arrêté pour lui demander ce qu’il avoit, il lui présenta un placet où son affaire étoit déduite en peu de mots. Le Roi, qui aimoit la justice, envoya dire en même temps au maréchal qu’il eût à satisfaire ce gentilhomme, et qu’il ne lui donnoit que huit jours pour cela. Ce commandement lui fut fait justement dans le temps des couches dont je viens de parler, et il est aisé de juger si ceux

  1. La terre de la Loupe donnoit son nom à la branche de la famille d’Angennes à laquelle appartenoient et madame d’Olonne et madame de la Ferté.