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pas pour être grand sorcier. Ce pauvre cocu, pour n’être pas tout seul de son caractère, avoit entrepris de se mettre bien avec la maréchale ; et comme les jaloux ont des yeux qui percent tout, lui qui ne faisoit encore que de se défier que sa femme lui fût infidèle, en fut si sûr de la part de sa maîtresse, qu’il résolut de quereller le marquis de Beuvron. On ne l’auroit jamais cru capable d’une résolution si périlleuse, lui qui avoit pour maxime que qui tiroit l’épée périssoit par l’épée ; aussi n’avoit-il jamais voulu tâter du métier de la guerre, et quoique son père, qui étoit riche, lui eût acheté une charge considérable, comme elle l’engageoit à monter à cheval pour le service du Roi, il avoit jugé à propos de s’en défaire bientôt. Son rival étoit à peu près de même humeur : c’est pourquoi il avoit brigué un gouvernement[1] qui n’étoit pas plus périlleux en temps de guerre qu’en temps de paix ; cependant tous deux des meilleures maisons de France, et qui avoient produit autrefois de braves gens.

D’Olonne, sachant donc que celui à qui il avoit affaire n’étoit pas plus méchant que lui, le querella plus volontiers, et ce fut d’une manière qu’on crut qu’ils se couperoient la gorge. En effet, il y avoit de quoi à d’autres pour ne se le jamais pardonner ; mais le bruit de leur querelle s’étant répandu par tout Paris, leurs amis communs s’entremirent de les accommoder, et n’en purent jamais venir à bout. Ils se firent tenir à quatre pour faire les méchants ; de quoi ceux

  1. Le marquis de Beuvron étoit lieutenant général de Normandie et gouverneur du vieux palais de Rouen.