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la délicatesse qui s’opposoit dans son cœur à le croire entièrement, ou au moins à lui pardonner.

Le lendemain, possédée de ces pensées, étant en visite et s’étant rencontrée proche d’un miroir, éloignée du reste de la compagnie, elle s’y regarda, et, s’étant trouvée dans une beauté dont elle fut contente, elle tira de sa poche ce portrait fatal, qu’elle avoit toujours porté sur elle, comme on porte d’ordinaire les choses qui sont chères ou qui tiennent à l’esprit, pour voir si cette rivale étoit aussi belle qu’elle croyoit l’être ce jour-là.

Pendant qu’elle étoit devant ce miroir, et charmée de l’avantage qu’elle croyoit avoir sur cette peinture, deux dames de la compagnie s’approchèrent d’elle, et aperçurent qu’elle tenoit un portrait. Elles lui en firent la guerre, comme ne doutant pas que ce ne fût celui d’un de ses amans. Elle voulut leur assurer que ce n’étoit point le portrait d’un homme ; mais, voyant qu’elles n’ajoutoient pas foi à ce qu’elle leur disoit, et jugeant d’ailleurs qu’il n’y avoit point de danger pour elle de leur montrer ce portrait, au lieu qu’il pouvoit y en avoir de les laisser dans la croyance qu’elles avoient, elle le leur montra.

Le baron de Villefranche, qui connoissoit aussi ces dames, le leur avoit montré plusieurs fois, comme étant une chose qui étoit alors de nulle conséquence, la personne de qui il étoit étant morte. Ces dames, qui savoient l’amour de ce baron pour madame de Bagneux, lui dirent, en continuant de railler, qu’au moins il lui