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l’inégalité du présent qu’elle avoit fait de celui qu’elle avoit reçu. Mais aujourd’hui je prétends m’acquitter de tout envers elle : vous avez fait paroître une générosité sans exemple quand vous vous êtes donnée à un simple cadet ; ce misérable gentilhomme, n’ayant rien à vous offrir pour s’acquitter envers vous de vos libéralités, a enfin résolu de vous rendre vous-même à vous-même, afin de contribuer par cette généreuse restitution au repos de Votre Altesse Royale. Je ne veux pas vous donner la peine de vous dégager vous-même de votre promesse, je vous crois l’âme trop belle pour en avoir la pensée ; mais je veux faire mon devoir en me dégageant moi-même. Ne pensez pas, Mademoiselle, qu’il y ait d’autre motif que celui de votre intérêt qui me fasse agir ainsi ; j’ai un cœur tendre et sensible, plus que Votre Altesse Royale ne se peut l’imaginer, quoique dans la perte que je vais faire aujourd’hui je prévoie ma ruine. Oui, Mademoiselle, la langueur va succéder à toutes les joies que Votre Altesse Royale avoit causées par ses bontés, et ce cœur que vous aviez animé par de si hautes et glorieuses espérances se va plonger dans la douleur et se va dessécher et consumer à petit feu. Allez donc, grande princesse, allez occuper cette place que Madame vient de vous céder. Après cette grande et vertueuse princesse, il n’y en a point qui la puisse remplir si dignement que vous ; elle vous est due par toutes sortes de raisons, et, après la perte que Monsieur vient de faire, il ne peut être consolé que par la jouissance de Votre Altesse Royale. Il mérite seul vos affections, et vous seule êtes digne des siennes.