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dans ce temps-là pour donner la main à La Vallière, à laquelle il couvrit la tête de son chapeau. Ainsi il se moqua de nos desseins, et ne fit plus de secret d’une chose dont nous prétendions faire bien du mystère. Jugez après cela, ma chère, de l’obligation que je dois avoir au Roi.

La duchesse [1] la plaignit, et elles passèrent cinq à six jours parlant chacune de leurs affaires, après lequel temps elles revinrent à Paris. Madame alla descendre au Louvre, où elle trouva presque toutes les femmes de qualité de la cour qui étoient venues visiter la Reine-Mère, qui avoit une légère indisposition [2]. Le Roi vit entrer monsieur de Roquelaure, auquel il demanda si l’on parleroit éternellement de ses malices pour les femmes, à cause que le soir précédent il avoit rompu avec madame de Gersay [3] fort mal. — « En vérité, lui dit le Roi, cette réputation de se faire aimer des femmes et puis se moquer d’elles ne me charmeroit point ; qui peut autoriser un homme qui manque de probité pour elles ? car enfin, si parce que l’on n’a à essuyer que leurs plaintes et leurs larmes il faut n’en rien craindre, je trouve cela horrible ; et puis, quiconque a de la probité en doit avoir partout. — En vérité, reprit la première et la plus aimable duchesse de France, cela est bien glorieux pour nous, qu’un roi comme le nôtre défende nos intérêts si généreusement. —

  1. L’auteur prend ici brusquement la parole, qu’il avoit laissée à Madame depuis le commencement de ce récit. On se rappelle que Madame s’adressoit à la duchesse de Créqui.
  2. La Reine mère étoit depuis long-temps atteinte d’un cancer.
  3. Voy., sur le marquis de Jarsay, dont la femme est ici en jeu, t. 1, p. 74.