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et il n’étoit pas fort étrange qu’elle y prît quelque intérêt ; mais pour madame de l’Isle, à qui je n’avois jamais témoigné que de l’amitié, je ne puis assez m’étonner de la manière dont vous allez entendre qu’elle en usa. Sitôt qu’elle soupçonna mon amour pour madame de Monglas, il n’y a pas de ruses dont elle ne se servît pour s’en bien éclaircir ; elle me disoit quelquefois en riant que j’en étois amoureux. Tantôt elle m’en disoit du bien, et, parceque je craignois qu’elle ne voulût par là découvrir ce que j’avois dans le cœur, j’étois assez réservé sur ses louanges ; une autre fois elle en disoit du mal, et moi, qui étois bien aise d’apprendre à madame de Monglas qu’elle étoit trompée de s’attendre à l’amitié de madame de l’Isle, ayant trouvé celle-ci en mille autres rencontres trahissant madame de Monglas, je la laissois dire et lui donnois une audience favorable pour lui faire croire que j’y prenois plaisir. Enfin, ne pouvant plus souffrir une fois l’emportement qu’elle avoit contre elle, j’en avertis madame de Monglas, ce qui fut cause qu’elles rompirent ensemble, et que dans la suite cette belle eut toutes les raisons du monde de croire que j’avois véritablement de l’amour pour elle.