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que, quand même il ne pourroit plus résister, vous ne donneriez pas votre cœur à un traître après l’avoir refusé au plus fidèle amant du monde.

Aussitôt que j’eus reçu ces deux lettres, je les allai porter à madame de Monglas ; mais, pour ne pas nuire à mon ami, de qui la maîtresse étoit fort délicate, j’effaçai toute la fin de la lettre qu’il m’écrivit, depuis l’endroit où il me mandoit que quand le mérite de madame de Monglas m’auroit tellement aveuglé que je ne serois pas en état de me retirer, il m’excuseroit sur la nécessité qu’il y avoit de l’aimer quand on la connoissoit bien. J’eus peur qu’elle ne jugeât comme moi que cet endroit ne fût fort galant, mais peu tendre.—Vous avez raison, répondit le comte de Guiche, et non seulement cet endroit, mais les deux lettres, me paroissent bien écrites, mais indifférentes.—La suite, répliqua Bussy, ne vous désabusera pas.

Vous sçaurez donc, continua-t-il, que madame de Monglas, voyant cette rature, me demanda ce que c’étoit. Je lui dis que la Feuillade me parloit d’une affaire de conséquence qui me regardoit. « Puisqu’il souhaite, me dit-elle, que vous continuiez de me voir, j’y consens ; mais Monsieur, c’est à condition que vous ne me parlerez jamais des sentimens que vous avez pour moi.—Je le ferai, puisque vous le voulez, lui répliquai-je. Ce n’est pas que je ne vous en dusse parler sans vous devoir être suspect, car, quoique je vous aime plus que ma vie, si, pour reconnoître mon amour, vous méprisiez celui de mon ami, en cessant de vous estimer je cesserois