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quand on a douté de sa valeur. Le fondement de cette médisance est que, toute la jeunesse de sa volée ayant pris parti dans la guerre, il s’est contenté de faire une campagne en volontaire ; mais cela vient de ce qu’il est paresseux et aime ses plaisirs. En un mot, il a du courage et n’a point d’ambition ; il a l’esprit doux, il est agréable avec les femmes, il en a toujours bien été traité et il ne les aime pas long-temps. Les raisons que l’on voit de ses bonnes fortunes, outre la réputation d’être discret, sont la bonne mine, et d’avoir de grandes parties pour l’amour ; mais ce qui le fait réussir partout sûrement, c’est qu’il pleure quand il veut, et que rien ne persuade tant les femmes qu’on aime que les larmes. Cependant, soit qu’il lui soit arrivé des malheurs tête à tête, soit que ses envieux veulent que ce soit sa faute de n’avoir point d’enfans, il ne déshonore pas trop les gens qu’il aime. Madame de Sévigny est une de celles pour qui il a eu de l’amour ; mais, sa passion finissant lorsque cette belle commençoit d’y répondre, ces contre-temps l’ont sauvée : ils ne se sont pu rencontrer, et comme il l’a toujours vue du depuis, quoique sans attachement, on n’a pas laissé de dire qu’elle l’avoit aimé ; et bien que cela ne soit pas vrai, c’étoit toujours le plus vraisemblable à dire. Il a été pourtant le foible de madame de Sévigny, et celui pour qui elle a eu plus d’inclination, quelque plaisanterie qu’elle en ait voulu faire. Cela me fait ressouvenir d’un couplet de chanson qu’elle fit, où elle faisoit parler ainsi madame de Sourdy[1],

  1. Jeanne de Montluc, comtesse de Carmain (Cramail ou Cramailles), mariée à Charles d’Escoubleau-Sourdis, marquis d’Alluye, morte le 2 mai 1657.