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pis pour vous, lui dis-je ; ma cousine vaut mille fois mieux, et je suis assuré que si elle n’étoit votre femme elle seroit votre maîtresse.—Cela pourroit bien être », me répondit-il. Je ne l’eus pas quitté que j’allai tout conter à madame de Sévigny. « Il y a bien de quoi se vanter à lui ! me dit-elle en rougissant de dépit.—Ne faites pas semblant de sçavoir cela, lui répondis-je, car vous en voyez la conséquence.—Je crois que vous êtes fou, reprit-elle, de me donner cet avis, ou que vous croyez que je sois folle.—Vous le seriez bien plus, Madame, lui répliquai-je, si vous ne lui rendiez pas la pareille que si vous lui redisiez ce que je vous ai dit. Vengez-vous, ma belle cousine ; je serai de moitié de la vengeance, car enfin vos intérêts me sont aussi chers que les

    qualité qui a si long-temps attaché Gabinius (Guiche) auprès d’elle. Cette illustre personne est connue pour un des plus accomplis courtisans, et il est vray qu’il ne la cherchoit que pour son esprit, non pas dans la pensée, que beaucoup ont eue, qu’il y avoit quelque intrigue entre eux, ce que l’on n’a jamais que soupçonné sur les conjectures de ses visites. »

    Le second, de Saint-Simon (t. 5, p. 63), à la date de 1705, année où mourut Ninon : « Ninon eut des amis illustres de toutes les sortes, et eut tant d’esprit qu’elle se les conserva tous, et qu’elle les tint unis entre eux, ou pour le moins sans le moindre bruit. Tout se passoit chez elle avec un respect et une décence extérieures que les plus hautes princesses soutiennent rarement avec des faiblesses. Elle eut de la sorte pour amis tout ce qu’il y avoit de plus frayé et de plus élevé à la cour, tellement qu’il devint à la mode d’être reçu chez elle, et qu’on avoit raison de le désirer par les liaisons qui s’y formoient. Jamais ni jeu, ni ris élevés, ni disputes, ni propos de religion ou de gouvernement, beaucoup d’esprit et fort orné, des nouvelles anciennes et modernes, des nouvelles de galanteries, et, toutefois, sans ouvrir la porte à la médisance ; tout y étoit délicat, léger, mesuré, et formoit les conversations qu’elle sut soutenir par son esprit et par tout ce