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Si j’étois en pouvoir de le faire, comme je m’aime mieux que qui que ce soit, je vous garderois pour moi ; mais, sur le soupçon qu’a le comte de Guiche que j’ai de l’amour pour vous, je lui déclare que je n’y songe pas, et cela, entre vous et moi, Madame, parceque je me défie de ma bonne fortune, car…—Non, non, interrompit madame d’Olonne, n’achevez pas, Monsieur l’abbé, de me parler contre votre pensée ; vous sçavez bien que vous n’êtes pas si malheureux que vous dites. » L’abbé, se trouvant si pressé, ne put s’empêcher de lui répondre qu’elle le sçavoit mieux que lui ; que, pouvant faire la fortune des rois même, il croyoit la sienne faite si elle l’en assuroit, et qu’au reste les paroles qu’il avoit données au comte ne l’empêcheroient pas de l’aimer quand il verroit quelque apparence d’être aimé. Cette conversation finit par tant de douceurs de la part de madame d’Olonne que l’abbé oublia qu’il aimoit encore madame de Châtillon, de sorte qu’il se résolut de s’embarquer sans inclination avec madame d’Olonne. Il crut qu’en intéressant le corps par les plaisirs, il pourroit détacher l’esprit, dont les intérêts sont si mêlés. En effet, madame d’Olonne, à qui le temps étoit fort cher, ne laissa pas languir l’abbé ; mais, comme leur intelligence ne put pas durer long-temps sans que le comte s’en aperçût, celui-ci alla chez elle pour lui en faire des plaintes. Comme il fut à la porte de sa chambre, il ouït qu’on faisoit quelque bruit. Cela l’obligea d’écouter ce que c’étoit. Il entendit madame d’Olonne qui disoit mille douceurs à quelqu’un. Sa curiosité redoublant, il regarda par le trou de la serrure et vit sa maîtresse