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mérite. Dans un autre endroit, elle tailloit en pièces le milord de Montaigu[1], et faisoit presque

    fait connoistre pour prétieuse, non seulement parcequ’elle parle comme elles, mais encore parcequ’elle écrit fort bien en vers et en prose. Sa demeure est dans le palais que Sénèque (Richelieu) a fait bastir dans le quartier de la Normandie (Saint-Honoré), au Palais-Royal.

    M. de Brégy mourut le 2 novembre 1712. Il est remarquable qu’un si grand nombre de nos personnages aient mené la vie si longue.

    Madame de Brégy mourut, comme nous l’avons dit, en avril 1695. Dangeau (12 avril) dit de la défunte : « Elle a laissé, en mourant, 250,000 francs à Monsieur pour restituer ; elle avoit eu cela d’un don que lui avoit fait la reine-mère autrefois, qu’elle a prétendu un moment injuste. »

    Et Saint-Simon (Note à Dangeau, t. 2, p. 135) : « C’étoit une antique beauté et un esprit, grande intrigante, et à qui, de la régence et de la jeunesse de Monsieur, il étoit resté grande familiarité avec eux et avec la reine-mère. »

    Il a raconté une plaisante aventure qui lui arriva autrefois à Saint-Germain : Elle étoit sur son lit, le dos tourné vers la porte, attendant un lavement. Sa femme de chambre ne venoit pas. Estoublon passe par là, voit ce dos découvert, donne en silence le lavement et disparoît. La femme de chambre arrive enfin ; ni elle ni la dame médicamentée n’y purent rien comprendre.

  1. Edme lord Montaigu avoit été envoyé en France en 1628 par la cour d’Angleterre pour s’entendre avec les princes et arranger une conspiration (La Porte, p. 10). Il avoit fait connoissance, par le canal de Buckingam, avec Anne d’Autriche, et lui avoit plu. En 1643 il est son confident (Mottev., t. 2, p. 12, et Monglat, p. 141) : Mazarin, pour arriver au ministère « se servit de milord Montaigu, autrefois créature de Châteauneuf, mais qui, depuis sa retraite à Pontoise, avoit été gagné par la mère Jeanne, religieuse carmélite, sœur du chancelier Séguier. » (Mém. de M. de ***, p. 455.)

    Pendant toute la Fronde, Montaigu fut très occupé : il s’étoit fait catholique et étoit devenu abbé de Saint-Martin à Pontoise. Retz (p. 296, 357) et d’autres attestent son activité et son dévoûment à la cause royale.

    C’est son fils que nous trouvons en 1649 gouverneur de Rocroy (Estat de la France), qu’en 1653 il essaie en vain