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tout autant que peut souffrir la connoissance de l’état présent où vous êtes et l’amitié que je vous ai promise, laquelle ne peut dissimuler que tout le genre humain donne de furieuses atteintes à votre conduite, et que vous êtes devenue le sujet continuel de toutes les conversations du temps. On dépeint votre embarquement le plus bas et le plus abject où se soit jamais mise une personne de votre qualité, et on dit que votre ami exerce sur vous un empire tyrannique, et sur tout ce que vous approchez ; qu’il chasse tout ce qui lui plait, et qu’il menace même ceux qu’il a appris d’être ses rivaux, comme il a fait la Feuillade ; et je passe sous silence des particularités de ses visites secrètes qui sont assez connues. Pensez, Madame, au préjudice que reçoit votre réputation de votre commerce, et faites réflexion sur ce que vous êtes et sur ce qu’est celui qui vous ôte l’honneur ; car le crédit et la considération qu’il vous attire vous sont fort peu honorables, et ce sont des faux jours qui rejaillissent sur vous plutôt pour vous offenser que pour vous éclairer. Ah ! Madame, si les pauvres défunts avoient tant soit peu de sentiment, ils gratteroient leurs tombeaux pour en sortir, et viendroient vous faire des reproches d’une si honteuse dépendance ; mais je ne crois pas que vous soyez touchée de souvenir pour eux. Craignez les vivans, qui tôt ou tard seront illuminés sur votre conduite, et qui en feront sans doute le discernement nécessaire. Je ne vous représente pas toutes ces choses par un motif de jalousie, car je vous assure que je ne suis point frappé d’une passion si affligeante et si inutile que celle-là. Si je vous aimois avec emportement, je me déchaînerois en invectives qui vous feroient des torts irréparables, et je me vengerois de ceux que vous me faites avec tant d’ingratitude. Si je ne vous aimois point du