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interroger, il accusa madame de Châtillon de plusieurs choses, et, entre autres, de lui avoir promis dix mille écus pour tuer le cardinal, et dit qu’elle lui en avoit déjà donné deux mille d’avance. L’abbé Foucquet supprima ces informations et en fit faire d’autres, par lesquelles Ricoux confessoit toujours qu’il étoit à Paris dans le dessein de tuer le cardinal ; mais il n’accusoit point la duchesse de tremper dans cette conjuration, et tout ce qu’il disoit contre elle étoit qu’elle avoit intelligence avec monsieur le Prince et recevoit

    mille écus de rente, avec une maison à la campagne, admirable et renommée par tout le monde à cause de ses eaux (cette maison s’appelle Liancourt), et une autre maison fort belle à Paris, surtout une fille fort bien faite. Rien n’égaloit ce parti, et, ce qui rendoit cette affaire agréable, c’est que M. de Marsillac n’en avoit obligation à personne qu’à M. de Liancourt, qui l’a choisi par amitié, parcequ’il étoit son petit-neveu et qu’il voyoit que la maison de La Rochefoucauld n’étoit pas aisée. Il la voulut rétablir par ce mariage, dont la conclusion fut hâtée à cause des avis que donna le maréchal d’Albret. Il se fit cinq ou six mois après. On tira la fille du Port-Royal, où elle avoit été élevée. Comme l’abbé Fouquet vit que cela n’avoit pas réussi, il porta à M. le cardinal toutes les lettres que Marsillac avoit écrites à madame d’Olonne. Il prétendoit qu’il avoit écrit contre le respect dû à Leurs Majestés, et qu’il y en avoit aussi qui ne plaisoient pas à M. le cardinal. Marsillac en eut connoissance, et prit avis de ses amis de ce qu’il avoit à faire. On lui conseilla de tirer de madame d’Olonne les lettres du comte de Guiche, ce qu’il fit. Aidé du marquis de Sillery, lequel reprocha à madame d’Olonne ce qu’elle avoit fait pour se raccommoder avec le comte de Guiche, il l’obligea de lui donner ses lettres. Le marquis de Sillery les porta à M. le cardinal. Il y en avoit une où il parloit de Monsieur et de la reine, et il disoit : « J’ai fait tout ce que j’ai pu pour résoudre l’enfant à être votre galant ; il en avoit assez d’envie, mais il craint la bonne femme. » Ces termes parurent assez familiers, et, comme tout se sait, cela fut bientôt public. »