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Enfin les remèdes firent l’effet qu’on s’étoit promis, et ce fut peu de temps après cette guérison que, le prince ayant fait la donation de Marlou, madame de Châtillon n’en fut pas ingrate[1]

  1. Plus haut j’ai oublié, à propos de Beaufort, de dire qu’il faisoit à madame de Châtillon la gracieuseté de lui demander d’être aimé d’elle (Conrart, Mémoires imprimés, p. 58), « même de bricole ». Le mot est simple et n’a rien d’affecté.

    Faisons une halte pour recueillir quatre ou cinq fragments de Mémoires qui nous permettent de pousser en avant notre glose, et qui sont d’utiles éclaircissements.

    Marigny (16 juin 1652) dit dans une lettre que M. Louis Pâris a imprimée dans le Cabinet historique (décembre 1854, p. 109) : « Le soir, je vis S. A., et, bien qu’elle fust retournée après minuit de chez madame de Chastillon, où elle est assez assidue, je demeurai, etc. »

    Voilà l’intimité démontrée. Madame de Motteville (t. 4, p. 330) explique décemment les choses ; mais que le panégyriste Désormeaux (t. 3, p. 258) prenne d’abord la parole. (La paix) « paraissoit désespérée lorqu’une dame jugea qu’un si grand bien devoit être l’ouvrage de la beauté et des grâces : d’autres femmes s’étoient rendues célèbres par des cabales et des passions redoutables. Les malheurs de la France étoient le fruit odieux et amer de leurs intrigues, de leurs caprices, de leurs rivalités. La duchesse de Châtillon aspiroit à une gloire plus pure : heureuse si l’amour seul de l’État l’eût guidée ; mais la vanité, le ressentiment, l’intérêt, n’eurent pas moins de part à un projet d’ailleurs si noble que le patriotisme. Elle brûloit d’envie de faire voir aux yeux de l’Europe l’empire que ses charmes, soutenus de l’art le plus séducteur, lui avoient acquis sur l’âme d’un héros si long-temps indocile au joug de l’amour. Elle vouloit en même temps se venger de la duchesse de Longueville, qui avoit tenté de lui enlever la conquête du duc de Nemours, en privant la sœur de la confiance du frère et en dictant un traité qui la réduisît à passer le reste de ses jours avec un époux qu’elle haïssoit. »

    Voici, madame de Motteville à son tour, et son style soutenu : « Dans cet état, une dame voulut avoir la gloire de la destinée d’un grand prince et d’avoir part à la plus éclatante affaire de l’Europe, qui étoit alors cette paix de la cour, qui paroissoit devoir être suivie de la générale, c’est-à-dire s’il